Vingt-huit jours, au total, vingt-huit jours passés dans cette ville d’antennes et de volcans, d’alarmes de voitures et d’odeurs de côtelettes, de maisons blanches et de barrières électriques, depuis l’aurore du 3 janvier. N’avoir mis les pieds qu’une seule journée dans le centre colonial, mais avoir arpenté Colón, Amazonas et l’avenue du 6 Décembre de long en large, avoir testé la plupart des sièges des bus verts reliant le centre à la banlieue de Tumbaco. Ne pas cesser de s’éloigner de ces rues câblées, pour y revenir sans cesse.

Se retrouver en pleine saison des pluies, en pull, à l’aube, un lundi matin de retour de la jungle, avec de fulgurantes crampes d’estomac. Se retrouver dans les eaux thermales de Papallacta, slalomant entre les vacanciers du week-end prolongé, avec le couple de proprios de l’auberge au bon wifi. Se retrouver dans la pénombre d’un bar baptisé « Pauvre diable » avec deux journalistes et deux architectes, et entendre une jeune Allemande dire : « Est-ce qu’ils ne viennent pas de découvrir un fungus qui chie de l’or ? » Se retrouver dans les gueulées de la terrasse du Coffee Tam, en plein Portugal-Equateur (2-3), et entendre un Charles français raconter : « J’ai rencontré un mec, Matt, qui voyageait en écrivant un livre… de philo, je crois… du genre : le monde, ce qui va mal, ce qui pourrait aller bien. » Se retrouver à partager un buffet quatre étoiles avec une Jurassienne exilée, son petit Manu et Mickey Mouse ; partager des pizzas avec un ornithologue francophile de Finlande, avec une Hollandaise du Montana ex-pompière spécialiste des feux de forêt, ex-navigatrice sur un bateau de pêche en Alaska, ex-Chilienne d’adoption ayant passé un mois à l’île de Pâques, mais seulement deux jours à terre, pour réparer le mât brisé de son 60 pieds.

Offrir à Pablo du vin, des chocolats, des repas, un bon chez Sukasa pour tenter de le remercier du gîte, du couvert, du transport et du reste. Ecouter des débats plus ou moins passionnés sur le nouvel aéroport, voir des affiches électorales partout, entendre tout et son contraire au sujet de Rafael Correa, marchant vers sa réélection. S’escrimer sur le montage d’un reportage radio qui ne sera peut-être pas diffusé, remonter une énième fois dans le bus vert pour Tumbaco parce qu’on y a oublié, accessoire essentiel, le chech vert foncé du Sahara. Et prendre un bus, encore un foutu bus de nuit, à la veille de la présidentielle, pour partir enfin vers le sud, pour quitter enfin Quito.