La salsa, le chien et la pleine lune

A Cali, capitale de la Vallée du Cauca, c’est Juan qui m’accueille pour une nuit. Il m’a dit de passer à son restaurant, c’est aussi là qu’il habite. J’arrive vers 18h15 devant les grilles. L’un de ses frères, Andrés, m’ouvre. Il a un chapeau de cuir et des lunettes noires qu’il n’enlèvera pas de la soirée et zozote un peu. Le restaurant a ouvert il y a six mois, classieux, noir-blanc, avec des nappes italiennes impeccables. Passé le rideau à côté du bar, c’est le chaos : la partie habitable de la maison n’est pas terminée. « Désolé pour le désordre, me dit Andrés en me conduisant à l’étage : ça fait une semaine que la femme de ménage est en vacances, et trois mecs qui vivent ensemble… »

J’ai un lit entre le mur et le mur, dans une soupente. Pour aller à la salle de bain, il faut traverser une vaste pièce qui ne contient qu’un frigo et une corde à linge. Ça ne sent pas terrible : il y a quelques crottes de Matías, le chien, sur le sol. Parfois je crois qu’Andrés m’appelle d’un ton étrangement agressif, mais ensuite ça trottine et je me souviens de mon homonyme.

Apparaît Ales, l’autre frère, et finalement Juan. Puis Camilo, son aide de cuisine. Pour bien commencer la soirée de travail, ils sortent fumer un pétard sur le toit. Moi je m’en vais rejoindre d’autres amis du voyage près des arènes, tout à l’heure, pour les Fêtes de Cali, les doubles fouilles par les rangées de flics avant la bière et le rhum, la salsa partout et toujours.

Etrange de croiser ces êtres si peu de temps, de dormir dans leur bordel généreux, et puis s’en va. Manuel suit son propre chemin vers le Nord, et me rejoindra plus tard. Tristesse de quitter bien plus qu’un pays. Mais il est temps de partir au sud, vers la frontière et l’Equateur.

Andrés me demande d’aller chercher Juan car on a besoin de lui en cuisine ; je monte donc à mon tour sur le toit. « Regarde », me dit Juan. La pleine lune sort lentement des nuages, basse sur l’horizon, gigantesque. « On dirait une planète », commente Juan, avant de se taire longuement. Camilo, lui, est un moulin à argot. Je ne comprends rien à ce qu’il dit, sauf « hermosa ! », mais il n’y a pas besoin de comprendre ses paroles pour saisir son enthousiasme, le même qui déborde de sa voix lorsqu’il décrit les filles de Cali avec plein de mots (à part culo) que je n’ai jamais entendus, ou lorsqu’il raconte que le sancocho, ce potage fort en tubercules, est ici délicieux, avec de l’avocat, uff !, et les pâtes qu’ils font eux-mêmes, au restau : avec du poulet ou de la viande, uff !

Camilo est très jeune, il a les cheveux rasés sur les côtés et longs derrière, il est impatient d’aller dans « sa montagne » pour Nouvel An, et a fait sienne la religion des Mayas, comme en atteste un tatouage sur son épaule gauche. « Je me réjouis de lundi ! » Pourquoi ? « Parce que 2013 va commencer. On va voir ce qu’il nous réserve. »

Le globe lunaire est complètement sorti des nuages. « Je suis catholique, car je crois en un Être suprême : il y a trop de perfection », glisse Juan. « Et toi, tu es de quelle religion ? Qu’est-ce que tu aimes faire, dans la vie ? »

L’encre de Patagonie vous souhaite une très belle année 2013 !

 

2 Responses to La salsa, le chien et la pleine lune

  1. Wullschleger

    Hola, bravo pour tes écrits. Et les photos sont belles. Bonne année, que la santé t’accompagne dans ton superscacàdos.

    Amitiés. Bonne route aux étoiles.
    Jacques

  2. Kayam

    Belle Année 2013 aux voyageurs.
    Votre année commence bien en voyage c’est top.
    je vous envoie une photo d’ici sur le mail de RufRuf.

    Becssssssssssssssssssss de Faby

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