Taganga, 14 décembre

« Ici, je peux flotter. Au Portugal, je n’y arrive plus depuis dix ans. » Manuel sort de l’eau. Il s’assied à côté de moi, sur un tronc d’arbre couleur crème poli par le vent, l’eau ou l’homme, étalé sur la petite plage de Sisihuaka. Quand le soleil sera couché, nous rentrerons par le chemin qui me rappelle les calanques marseillaises vers Taganga, petit village de pêcheurs au filet où échouent des moniteurs de plongée anglophones, des jeunes couples chiliens en quête de chaleur et de tranquillité parce que la barbe, du capitalisme et de la pollution. Quelques pêcheurs au corps grêle mais musculeux ont ramené des bonites sanguinolentes et fendues en deux, qui gigotent encore dans la caisse. Le vent envoie, par rafales, du sable dans le visage. Un homme en maillot de foot  à bandes noires et rouges (n°9) passe devant moi, en tenant, entre le pouce et l’index, un poisson par la queue. Il l’apporte d’un pas lent vers la petite cabane en bois, sous laquelle le cuistot nous a tout à l’heure invités à une bière, ou un soda ? asseyez-vous, lea amis ! mais nous sommes allés tester la ligne de flottaison, et puis, les hamacs attendent.