L'encre de Patagonie » Ping-pong http://www.mou.ch/matthieu/wordpress Matthieu, la plume et l'Amérique Fri, 23 Aug 2013 08:17:13 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.4.2 Au bord du ciel, ou dans la merde http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=863 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=863#comments Sun, 24 Mar 2013 00:10:26 +0000 matthieu http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=863 Dialogue imaginaire, pour Daniel.

D: – Alors, mon vieux, qu’est-ce que ça fait, de rentrer de quatre jours de vélo et de marche autour et jusqu’au Machu Picchu, le long des rivières et des vallées, entre les pics et les volutes de brume, en compagnie d’Argentins, de Chiliens, d’Uruguayens et d’Allemands rigolos, de rentrer de tout cela, donc, à ton hôtel de Cusco pour y découvrir ton grand sac à dos trempé jusqu’aux coutures, ordinateur inclus ?

M : – D’abord, c’est le choc. Tu viens de passer quatre jours heureux dans la jungle et sur les pentes. Tu rentres d’une journée commencée à 4 heures du mat, lors de laquelle tu as marché pendant sept heures sur mille mètres de dénivelé, tu es entré de tes petits pas de fourmi humaine dans l’enceinte de l’une des sept merveilles du monde des fourmis, tu as vu la brume se dissiper autour d’un pic dressé entre les contours puissants de la rivière Urubamba – un pic qui paraissait immense et qui, une fois contemplé depuis 3000 mètres, semble un petit sapin dans une forêt de pins californiens ; tu as regardé regardé regardé la rivière le ciel les montagnes la jungle les papillons les temples du soleil, le nouveau chemin inca découvert il y a peu dans l’inextricable montagne d’en face se perdant dans les nuages, tu as sué sué sué dans ton sac à dos pour faire comme les Quechuas, tu as imaginé la cime blanche du Salkantay au-delà du visible, tu es redescendu, tu as pris un train et un bus, tu n’as plus de caleçon propre, tu rêves d’un bon lit et d’une douche et boum. Ton sac est détrempé et dégueulasse, à cause d’une inondation dans l’hôtel, les égouts complètement saturés ont explosé pendant ton absence, et l’argent n’a pas d’odeur mais tes 80 dollars glissés dans une chaussette noire, eux, sentent la merde.

D : – Et tes carnets ?? Pauvres plumitifs que nous sommes, qu’est-ce que ça fait d’extraire du sac de merde tes carnets et tes feuilles de notes effacés ?

M : – Bon, ca lui apprendra, au plumitif : ce qui est écrit au stylo a survécu. Tout ce qui l’était à la plume à réservoir a disparu, les feuilles gondolées et vierges à nouveau, comme une invitation au palimpseste de mon propre voyage… Et puis non, je n’apprendrai rien. Je continue d’écrire à la plume.

D : – Et alors ? T’as tapé l’hôtelier ? T’as appelé l’ambassade ? T’as pondu un reportage dans les égouts de Cusco ?

M : – Non, je me suis assis la tête entre les mains un petit moment, puis j’ai suivi mes amis Pauline et Camilo dans un autre hôtel, et j’ai dormi. Les jours suivants, j’ai amené mes appareils électroniques chez un geek péruvien. Verdict : lecteur MP3, enregistreur, PC hors-service. Une leçon de détachement, quoi, et des emmerdements pour continuer le blog. Malgré tout, ça a été d’excellents jours, à Cusco.

D : – Ouais, ouais, je sens que tu me caches quelque chose… Et là, tu pars pour Arequipa, puis le Chili. Et la jungle péruvienne ? Les montagnes des incas ? Tu vas nous laisser comme ça ?

M : – T’as qu’à regarder les photos. Une chose, tout de même : les flots de l’Urubamba jaillissent, explosent et grondent comme les entrailles d’un empire englouti. Un empire inca, si tu veux. Quand tu es au bord, quand tu les regardes depuis le bord du ciel, tu respires et ça te laisse comme des globules de beauté dans le sang. Comme avec un visage aimé.

D : – Un visage aimé, hein. Tu ne couverais pas une petite mélancolie, toi ?

M : – Non, bien au contraire. Comme un type l’a blogué ailleurs : je ne sais pas pourquoi, mais ça me fout la pêche.

Entrailles englouties Urubamba Autre chemin inca Tin tintintintiiiin Le pic joyeux Paulina y yo Trek de gros bras L'aube, tu captes? Le voici Profession: garde-touristes Sur le Mont Machu Waouh Bonne surprise Bye, bye Ciao, ciao ]]>
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Dialogue avant de partir http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=190 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=190#comments Wed, 24 Oct 2012 09:00:57 +0000 Florian http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=190 Passage

J’ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l’école buissonnière, dans les gares devant les trains en partance
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J’ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris-New York
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stockholm
Et j’ai perdu tous mes paris
Il n’y a plus que la Patagonie, la Patagonie, qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du sud
Je suis en route

(Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien)

- Voilà. Dans moins d’une demi-heure, tu prends le RER local pour faire San Sebastián-Hendaye, et ensuite le TGV jusqu’à Paris. Avec qui je vais chanter Dire Straits, maintenant ?

- Bah c’est peut-être le moment de changer de refrain. Sortir des terrains balisés, des mélodies trop connues. T’es prêt à perdre pied ?

- Ouais, enfin pas tout de suite, d’abord Madrid, c’est presque chez moi… Ensuite, quand je me retrouverai avec un autochtone qui me montrera sa collection de moteurs de lave-linges, je t’écrirai. Et maintenant le cliché : ça fait juste une semaine, tu le crois ?

- C’est toujours pareil, il y a des mecs qui ont passé ces sept jours à bosser pour un hebdo lausannois et le temps leur a paru très ordinaire, il y a un vieux copain de vallon qui a passé la semaine à regarder le lac depuis son balcon et le temps lui a paru suspendu, il y a un type qui a sauté depuis une altitude de trente-neuf kilomètres et les sept minutes de sa chute lui ont paru beaucoup plus longues qu’une vie de Basque, il y a un Dieu ancien qui a créé tout un monde en sept jours paraît-il, alors bon, moi, les durées, je sais plus trop quoi en penser. Il reste les faits.

- Et les faits, ce sont les moments. Et les moments, il y en a eu tellement, qu’on n’a fait que leur écrire après, comme on dit courir après. On en évoque quelques-uns, puis on renonce, car les nuits avancent, les familles d’accueil te servent des haricots, et les trains n’attendent pas. A la place, on s’en remet à d’autres qui disent tout cela mieux, ou plus synthétiquement, comme ton cher Blaise. Et on se demande un peu ce que les lecteurs, aux quatre coins du blog, ont comme image de notre voyage…

- C’est un peu le Multimonde de notre vieux roublard, et on le croit sur pièce. J’aurais encore des centaines de choses à te dire, mais il va falloir continuer à distance. Ça sert aussi à ça, le Global Village. Allez, le train arrive. Un dernier petit Cendrars, pour la route, et pour préparer ta transition sud-américaine : «  J’étais venu à ta rencontre / Tupa / La belle nature / Les étalons s’enculent / 200 taureaux noirs mugissent / Tango-argentin ». Fais-les valser, tes six mois ! Hasta luego !

- Allez, file. Et perds pas le swing.

Boys

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Dialogue aux fourneaux http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=157 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=157#comments Mon, 22 Oct 2012 09:00:19 +0000 Florian http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=157 Chez Leticia

M : Et comment tu vas faire, si t’as pas de mixer ?

D : Ben avec les doigts.

M : Aha, en fait tu faisais ton indigné en voyant la pelote basque à la télé tout à l’heure, mais inconsciemment tu leur envies leurs grosses paluches cornées, à ces matraqueurs de balles.

D : Putain mais ouais t’as vu les moignons surdimensionnés qu’ils se paient les types ? A frapper comme ça dans une petite balle dure comme du caillou, à mains nues, jusqu’au sang et aux cals, ces Basques ont franchement une petite colère atavique à assouvir.

M : Et dire que je m’imaginais la pelote basque comme une sorte de sport de gentlemen, le choc est rude. Mais au fond, mieux vaut ça que balancer des bombes.

D : Hé, mais j’avais écrit « colère génétique » dans ma réplique précédente ! Tu changes mes réparties, maintenant ?? « Atavique » ?? Tu veux vraiment me faire paraître plus snob que je suis, hein ? Salaud, moi je ne dis pas à tout le monde que tu te traînes une petite mélancolie depuis hier, non ?

M : Et bien voilà, tu le dis à tout le monde, grand gland. Ben je m’en fous, on a bien le droit de traîner une petite mélancolie quand on rencontre un si joli sourire. Et ta soupe à la courge, d’abord ?

D : Je m’y attèle ! Ta quiche normande n’est pas en reste, ça commence à sentir impitoyablement bon dans cette cuisine-garage ! Tu crois que ça va le faire avec le cidre basque ?

M : Oui, de toute façon vu la tête de notre hôte Leticia, quand je lui ai annoncé le mélange pommes-lardons-oignons, ça m’étonnerait qu’elle se roule par terre de bonheur, mais au moins, on lui aura élargi son horizon ! Comme quand on a chanté Brassens et Bashung, hier.

D : Et Leonard Cohen, et Bob Dylan, et Johny Cash ! Que du gros lourd de feu de camp ! Que c’est bon de dérouler ses clichés en toute impunité. Dire que c’est elle, Leticia, qui nous répète depuis hier, comme pour s’excuser, que tout le monde dans son village est malheureusement super cerrado (en mimant une petite case fermée vers ses yeux et son front)… Tu la trouve « bornée », toi, la joyeuse compagnie qu’on rencontrée ici ? Entre ceux qui veulent te montrer leurs escargots, ceux qui te montrent leurs bijoux technologiques, ceux qui  te racontent leur Erasmus, ceux qui t’emmènent dans leur California flambant neuf, ceux qui qui t’espionnent depuis derrière leurs rideaux ? Je connais deux ou trois bleds vaudois où l’horizon est bien moins dégagé…

M : Moi ce que j’adore, c’est qu’on est les acteurs principaux d’un film qui s’appelle Strangers in Town. L’ouvrier en bâtiment nous montre son vin navarrais, sa liqueur aux herbes ou ses escargots, et le patron d’usine nous sort des tiroirs son Canon numérique, son vieux coucou à pellicule ou sa caméra GoPro qu’il met sur son casque pendant ses tours en vélo, mais au fond c’est tout pareil : voilà les Suédois, enfin, les Suisses, à quoi ils ressemblent ? Est-ce qu’on chasse aussi la perdrix, chez vous ?

D : Dire qu’on est tombé sur les deux seuls jours de l’année où il pleut sur les Bardenas… Et ça te fatigue pas trop, du coup, d’avoir ces essaims d’hispanophones autour de toi tout le temps ? J’ai quand-même le beau rôle, celui de  la marge observatrice, no hablo español : c’est toi qui es au front tout le temps !

M : Si señor, alors évidemment quand j’essaie de te traduire, c’est un peu comme si j’étais en train de jouer au tennis et que je te téléphonais pour t’expliquer que là, le père de Leticia a fait un joli coup droit et que là, j’ai tenté un amorti qui est tombé dans le filet, parce qu’ils se sont remis à me raconter une histoire les deux en même temps en fond de court… Enfin bon, je crois qu’ils nous aiment bien. Tiens regarde, Leti et la voisine mangent même de la quiche.

D : Et presque sans grimacer ! On se croirait à la maison, une sorte de brisolée en famille, avec le temps d’octobre qui va avec. Et c’est quand-même mémorable, le coup de la balade du dimanche en voiture dans ce parc australo-coloradesque, cette improbable remise de prix de course de vtt, cet observatoire en plein brouillard, ces discussions sur l’isolement et le besoin d’ailleurs avec les jeunes filles locales, l’histoire de la fabrique de tortillas mystérieusement incendiée, celle du village enseveli par la boue il y a deux jours (plusieurs versions des faits s’affrontent si je t’ai bien compris), les cigarillos et le moscatel dans le fauteuil de la chambre-salle à manger, le feu de cheminée pour faire sécher les pompes, le petit frère de quinze ans qui glande devant la wii… Et on en revient à cette soirée d’hier, inattendue, culte s’il en est.

M : Au fond, c’est quoi ? Des salades et des nuggets qui se savourent au Bar du Refuge, les rires de trois chicas, et ensuite un salon éclairé dans la nuit, un petit blanc local, un bouledogue qui traîne avec ses yeux d’insecte, une guitare, des accords trouvés sur le Net… Le partage, oui, mais surtout la façon qu’a chacun de goûter le moment pour soi-même, tu ne trouves pas ? La lesbienne qui rigole en voyant tout cela bien tourner et qui sort son djembé, la petite sœur qui filme avec son téléphone, la volubile qui s’absorbe dans un chant traditionnel, la douce qui fredonne – là encore, comme pour elle-même – le Cat Stevens que j’empoigne à la bébé guitare, avant de m’asseoir en arrière dans le fauteuil pour me saouler un peu à son sourire, et toi, là, avec ta clope dans l’encadrement de la porte, ni dedans ni dehors comme tu aimes, tu as vu comme tu fermais les yeux ?

D : Ok, je magnifie un peu. Mais ça ne sert à rien de tout rationaliser, non ? Et entre les lignes, tu l’admets, ça a donc bien quelque chose à voir avec ta petite mélancolie, tout ça. Tu sais, des chicas au sourire frondeur, il va y en avoir dans tous les Arguedas de toutes les Navarre que tu vas traverser. Et tu as six mois qui s’ouvrent devant toi. Il te faudra un cœur bien accroché.

M : Mais c’est très bien, la mélancolie. Et les six mois qui s’ouvrent. Et les sourires à découvrir. Et les gros tubes de feu de camp. Qui te parle de rationaliser ?

Mélancolique?

Mélancolique?

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Dialogue sous la pluie http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=114 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=114#comments Sat, 20 Oct 2012 09:00:59 +0000 Florian http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=114 Donostia

Photo de Jean-Vincent Morel

D : J’ai eu la sensation toute la nuit que j’embrassais des vagues, que je progressais dans l’eau, difficilement, avec une planche en mousse, à la recherche du rouleau parfait. Et t’as entendu cet orage de malade ?

M : Oui, mais c’était pas un orage, c’était « San Sebastián », comme l’a dit le mec de l’auberge en sortant dans la rue, tout à l’heure, et en regardant le ciel, et en haussant les épaules.

D : C’est vrai qu’ils ont l’air habitués à ce drôle de temps celtique, ici, avec leurs parapluies XXL. Il y avait que toi en K-way dans tout le quartier romantico. Et avec cette rose rouge que vient de te tendre une gentille dame du Parti socialiste ouvrier espagnol…

M : …C’est que je suis un romantique au premier sens du terme. Comme toi, avec ta planche en mousse. Tu as remarqué comme on fixait les vagues se brisant sur la plage, tout à l’heure ?

D : Ouais c’est dingue ce truc, je comprends mieux l’addiction maintenant. D’ailleurs ici ils surfent même sous la pluie. Tu vas vraiment tout laisser tomber pour le surf : l’écriture, les pintxos, les filles ?

M : Oui, tout. Dès que je débarque à New York, je descends en Floride. Et ensuite je fais 5 mois de surf sur la côte chilienne. Il n’y aura plus que de photos de vagues sur ce blog. Je leur donnerai des petits noms.

D : Tu risques de perdre un peu de ton lectorat. D’un côté, il nous manque encore ce grand roman suisse de surf, c’est sûr. Il y a un filon.

M : Oui. Le protagoniste serait un graphiste passant ses journées à Versoix, devant le Léman, à photoshoper le lac pour lui attribuer des rouleaux de deux mètres de haut. Et à la fin de la journée, il mangerait un filet de féra. Une idée de titre ?

D : Tsunami sur la rade si tu choisis d’en faire un roman policier, La Grande Peur dans le montage si c’est un graphic novel ramuzien, L’Appel de la marée si c’est pour les enfants, La Vague brune des Pâquis si c’est du soft-porn, et La Dernière tentation du Grand-Versoix si tu veux créer la polémique…

M : Moui. Ou alors : Cinquante nuances de bleu… Et à part ça, on va partir quelques jours au fond de la Navarre, entre les fleuves Aragon et Ebre. Comment tu vas faire, sans ton Atlantique ?

D : Bah, c’est mon truc, de m’attacher et puis de m’écorcher, tu sais. Pour le moment je gère. Et puis l’Atlantique, si on en croit Jivé, ça n’existe qu’en Bretagne ! J’ai déjà hâte de louer une voiture, filer voir ce petit bout d’Amérique du Sud basque ! Tu crois que sous la pluie ça le fait quand-même ?

M : Tu sais, une fois, en Irlande du Nord, j’ai pris un ferry pour aller sur une petite île. C’était le mois d’avril, il neigeait, le seul restaurant de l’île était fermé, je me suis trempé jusqu’aux genoux en essayant de trouver une grotte qui s’appelait Bruce’s Cave et que je n’ai pas trouvée. C’était génial.

D : J’ai eu quelque chose de similaire à Istanbul en avril, de retour du Sud. Une semaine de pluie ininterrompue, au milieu du quartier populaire. Une des plus belles semaines de ma vie. …Navré pour les traces de graisses sur ton clavier, mais ces pintxos, c’est presque fictif tellement c’est bon !

M : Ah, et ces serviettes en papier espagnoles qui n’épongent strictement rien… Que j’aime ce pays. Même si l’ETA ne l’aime pas.

D : En même temps, les sympathisants qu’on a vus hier soir, dans ce bar-cafète au néon de la calle Juan Bilbao, avaient quinze ans, parlaient espagnol et pensaient plus à vider leurs verres de cidres qu’à faire péter des voitures à Madrid.

M : C’étaient pas des sympathisants, mais des contributeurs inconscients, comme nous… Mais méfie-toi : à côté des botellones, les jeunes Espagnols se sont secoués. J’en ai surpris à parler politique. C’est ça la crise.

D : Ouais, la crise des pintxos, on a presque tout bouffé… Faut qu’on se mette en piste d’un autre bar pour le souper. Tu crois qu’il pleut toujours dehors ?

M : Oui, surfeur d’argent, il pleut toujours. Comme cela, on arrosera la rose.

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Dialogue du (tout) petit matin http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=104 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=104#comments Thu, 18 Oct 2012 09:00:26 +0000 Florian http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=104 Trop tard (ou trop tôt)

- Voilà, c’est quatre heures du matin. Tu es content, j’espère. Tu l’auras voulu : aujourd’hui, on joue au jeu du « j’ai aimé ». Je commence. J’ai aimé : faire la course avec les vagues, les rouleaux qui s’écrasent contre la digue en-deça du phare en forme de petite maison, le chien minuscule qui t’a gratté les mollets, et la Colombienne qui a tué quatre cactus d’un coup.

- En même temps si t’avais pas passé deux plombes à écrire des niaiseries en espagnol pour nos prochains plans coach surfing, on n’en serait pas là… Bon, si tu veux savoir, j’ai aimé : le sable qui frotte les coudes lorsque les vagues te déglinguent comme un pantin salé, la parillada au petit blanc sec, les grosses mousses blanches des rouleaux contre les digues de la baie dans le coucher de soleil kitch, les tonneaux de pirates remplis de bonbons, le black qui dansait la rumba en slow-motion au bar Corsaire…

- …oui la bouteille de Jurançon, je prends aussi. Et aussi la vive, cet oiseau, pardon ce poisson local qui a une bouche pulpeuse et un dard nocif (hum), et apprendre le mot « feniôle » à un Breton, une Franc-Comtoise et une Colombienne, et débattre pour savoir si le condor est le plus grand oiseau du monde ou si c’est l’Autruche de Bolivie. Et surtout, ne rien faire à la terrasse du Bar de la Marine pendant que la fille de la table de derrière me reluquait le dos.

- Vérification faite, c’est l’albatros hurleur qui a la plus grande envergure (3 mètres 70 quand-même…) Oh, et puis aussi, pour la route : les matériaux des planches de surf, la petite maison-phare en haut de la colline, les helvétismes dans la bouche des français (« fourrer » surtout), le billet de un dollars tout frippé que tu m’as filé en souvenir, le goût du sel dans la bouche et dans le nez et dans les yeux, le marin fou de retour d’Irlande qui trépignait d’impatience à l’idée de se taper un fille ou toutes les filles de la France et de l’Espagne réunis, la gamine qui ressemblait à Ellen Page, la mousse d’écume qui fait « pschiiiiiit » sous les pieds avant de se faire pomper par le sable…

- …et cette phrase de Sébastien Jallade : « Je veux sans attendre éprouver physiquement le vent froid et sec de l’été austral »…

- D’abord un peu de surf demain, c’est obligé dans cette région ! Nos super coachs nous attendent à Hendaye dans quelques heures… Et puis éteins cette foutue lumière rouge, tu veux ?

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Petit dialogue du premier soir http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=93 http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=93#comments Tue, 16 Oct 2012 09:00:46 +0000 Florian http://www.mou.ch/matthieu/wordpress/?p=93 Saint-Jean-de-Luz, mardi 16 octobre au soir.

- Alors, Daniel, barboter dans l’Atlantique pour la première fois de ta vie, ça te fait quoi ?

- Ben pour tout te dire, je pensais que ça serait plus intense… Il n’y a pas vraiment eu de choc cosmique, si tu vois ce que je veux dire. Bon, faut préciser qu’après douze heures de train dans les dents,  n’importe quel vague plan d’eau, dans ce crépuscule basque, m’aurait fait plaisir.

- Vague plan d’eau, vague plan d’eau… Tu as quand même couru vers le fracas des vagues comme un cabri des Pyrénées. Et puis pendant les douze heures de train, tu as lu en entier L’Appel de la route, ce petit livre d’un Patagonophile, et aussi le journal, pendant que moi, je dodelinais. Et la galette de sarrasin du soir, mijotée par notre hôte Jean-Vincent, comment ?

- Une merveille d’équilibre aigre-doux, avec ce petit confit d’oignon du cru ! Et les tomates, la couche de fromage moelleuse, l’œuf, le jambon et le petit Ricard sous le coude… Sans parler du but français à la nonante-quatrième minute, devant un stade espagnol assourdi ! De quoi se souvenir qu’on est à un jet de pierre de la frontière. L’Espagne au bout des doigts, et puis après, ce gros océan plat, et puis plus loin… Tu réalises que t’es parti pour six bons mois, là ?

- Ben non, tu penses bien. L’Espagne, ça fait un moment que je l’ai sous les doigts. Mais le gros machin plat ? Le port Elizabeth de Newark ? Les rues de Bogotà ? Cela me paraît encore irréel, un peu comme un but suisse contre l’Espagne. Alors pour l’instant, on va se concentrer sur nos Basques, leurs montagnes et ton Atlantique. OK ?

-          Ça me va. Et promis, demain, si on se baigne dans l’océan, j’essaierai de m’esbaudir franchement et sans arrières pensées… Hé, j’y pense, tu crois qu’il remarquera, Jean-Vincent, si on récupère en douce la petite Arvine dans son frigo en partant ? On pourrait en avoir besoin pour nos prochains hôtes…

- Sale radin de Blonaysan. Avec la dose de Ricard qu’il m’a servie… On leur donnera les belles plaques d’Ovomaltine que t’as achetées ! Allez hop, au lit.

- Okay, je prends le matelas pourri…

- Vive le droit d’aînesse.

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